Dans un ouvrage oublié aujourd'hui, Anthropologie à la Martinique (1984) écrit par le Français Francis Affergan, ce dernier analysait déjà la façon de conduire des Martiniquais comme relevant d'une forme de suicide collectif.
A l'époque, cette analyse n'avait ni intéressé et encore moins ému personne. Pourtant, elle renforçait les analyses d'un autre chercheur, Raymond Massé, Québécois lui, qui avait étudié la société martiniquaise pendant une quinzaine d'années et avait publié ses conclusions dans un ouvrage intitulé Détresse créole. Etnoépidémiologie de la détresse psychique à la Martinique (2008). Mais des sociologues martiniquais eux-mêmes tels Louis-Félix Ozier-Lafontaine dans Martinique, la société vulnérable (1999) avaient déjà fait des analyses tout aussi pénétrantes sur le mal qui ronge notre société.

Comment expliquer que nos décideurs politiques ne se soient quasiment jamais intéréssés à ces analyses qui pourtant ne relevaient ni de la poésie ni de l'imagination romanesque mais d'enquêtes de terrain menées selon les protocoles scientifiques internationalement reconnus ? La réponse est simple : ils et elles ne lisent pas. Ou alors ne lisent que des rapports administratifs. On comprend pourquoi ils se retrouvent désemparés devant des situations comme celle qui affecte la Martinique depuis quelques années. Ils et elles sont persuadés que des solutions (des recettes en fait) technocratiques sont en mesure d'atténuer, voire même de régler, les problèmes qui assaillent la société martiniquaise.
Or, la réalité démontre l'exact contraire !
La réalité ce sont d'une part, les accidents de la route, et de l'autre, les meurtres avec armes à feu. Ces deux fléaux affectent toutes les classes d'âge mais surtout les jeunes, ce qui est dramatique dans un pays qui vieillit à une vitesse accélérée depuis trois décennies déjà. Petite parenthèse : les "vieux" accusent souvent les "jeunes" de faire preuve d'incivilité routière, ce qui est vrai, notamment chez les motards, mais ces mêmes vieux se sont-ils déjà questionnés sur leur propre comportement ? Pour le dire brutalement qu'est-ce qu'un retraité fout sur la route entre 6h et 8h30 et entre 17h et 18h30 ? Sauf en cas de force majeure ou de rendez-vous médical important, ils n'ont rien à y faire, mis à part augmenter les embouteillages effroyables que subissent les gens qui vont travailler. Sinon, oui, presque tout le monde, jeune ou vieux, appuie trop sur le champignon dans un pays où les lignes droites se comptent sur le doigt de la main. Faites du jogging le matin sur les trottoirs dans n'importe quel quartier de Fort-de-France et vous réaliserez à quel point là où il faudrait rouler à 40km/h, la plupart des conducteurs roulent à...60 ! Habitués à rouler trop vite en ville, les mêmes rouleront hors agglomération à 100 là où 80 est indiqué. Mais pour aller où comme ça dans un territoire minuscule de 80kms de long sur 30 de large ? Où ?
Zot ni an Djab an tjou-zot ?
S'agissant des meurtres par armes à feu qui se multiplient, d'aucuns évoquent l'absence d'encadrement familial et le fait que 42% des ménages martiniquais soient dirigés par des femmes seules qui se voient très vite dépassées lorsque leurs gamins atteignent douze ou treize ans. Mais personne ne s'interroge sur cette notion d'"encadrement familial" qui est calquée sur celle de l'Europe et sur le fait qu'on a entassé des gens dans des HLM de la conurbation Schoelcher/FDF/Lamentin sans qu'il n'y ait aucun tissu économique permettant d'absorber cette masse de population et d'abord de lui offrir du travail. Car si, dans les années 60, lors de l'effondrement brutal de l'industrie sucrière, Fort-de-France notamment s'est vue obligée d'accueillir les déplacés de l'exode rural, ce qu'elle a fait au mieux sous la mandature d'Aimé Césaire, par la suite, dans les années 80-90, nos décideurs se sont contentés d'accueillir des HLM sur leurs territoires respectifs alors qu'il aurait fallu penser à un réaménagement du territoire martiniquais. Il aurait fallu penser des politiques visant à redonner un second souffle au Nord, notamment le Nord-Atlantique qui avait été le poumon économique de l'île pendant deux siècles et demi. Cela n'a pas été fait et nous en payons le prix aujourd'hui. La famille élargie rurale au sein de laquelle non seulement les pères et mères jouaient le rôle d'autorité mais aussi les grands-parents, les oncles et les tantes et mêmes les proches voisins a cédé la place, dans les caloges des HLM, à des familles urbaines restreintes aux seules mères. Disposant de revenus très modestes, mal payées ou vivant des minima sociaux, comment imaginer que ces dernières aient pu et puissent avoir la moindre autorité sur leur progéniture ?
Or, dès 1972, Germain Boukson et Bertrand Edouard, dans leur ouvrage Les Antilles en question : assimilation et conflit de culture dans les DOM. Approche psychiatrique de la relation transculturelle posaient les termes du problème et la psychologue Livia Lesel questionnait l'antienne qu'est "la femme poto-mitan" dans Le Père oblitéré (2000).

Non seulement nos politiques (de tous bord) ne lisent pas mais il y a pire : ils et elles se sont mis dernièrement à cet instrument de crétinisation massive que sont les réseaux sociaux, manière pour eux de ne pas se faire défintivement dépasser, marginaliser ou ringardiser par une jeunesse accros aux écrans et séduite par le discours simpliste mais efficace du Mouvement des Aligneurs de Prix sur la Métropole. Alors tous et toutes (conseillers municipaux, maires, conseillers territoriaux, députés, sénateurs) squattent à longueur de temps Facebook, Instagram, Tik Tok, X etc... sans se rendre compte que les problèmes de la Martinique ne se résoudront pas à coups de posts ni de communiqués triomphalistes. Aucun réseau social ne permet de résoudre quoi que ce soit même quand, comme Donald Trump; on crée le sien propre, Truth Social ! Il a beau poster dessus tout ce qui lui passe par la tête (jusqu'à 160 messages au cours d'une seule nuit il y a deux semaines de cela !), cela ne l'a pas empêché de perdre 6 élections aux cours des derniers mois, en particulier celle de gouverneur de l'Etat de Virginie et de maire des villes de New-York et de Miami.
Un réseau social sert essentiellement à proclamer "Je suis le plus intelligent ! Le plus beau ! Le plus fort !" mais guère plus. Outre le fait que nos politiques ne lisent pas aucun de leurs partis (sauf le Parti Communiste Martiniquais et son excellent hebdomadaire Justice) ne disposent d'organe de presse. Non plus "papier" comme autrefois mais "en ligne" ! Un journal en ligne n'a rien à voir avec un réseau social mais peut-être que nos décideurs ne s'en sont pas encore rendu compte. Dans un journal, on expose, on explique, on démontre, on contredit et dans des articles conséquents pas avec des posts de cinq lignes et demi. Il est vrai qu'il est tellement plus facile de balancer deux-trois photos sur les réseaux sociaux, accompagnés de posts tout aussi riquiquis ! Ou de se montrer sur les plateaux-télé avec un sourire ultra-bright face à des journalistes le plus souvent soit timorés soit complaisants.
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Rien de nouveau sous le soleil...
...maintenant ça fait "système". Une fois: on peut laisser le "bénéfice du doute"... Lire la suite
...Fòk pa alé la ba-a, menm si nou anvi wè New Orléans, Kongo Square, épi tout Lwisiyann-la ki sé Lire la suite
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