Thaïlande : les délices thaïes du prêt-à-manger

Patrick Chesneau

  N'importe quel jour de la semaine, mais plus encore les week-ends et les jours fériés, grande affluence dans tous les shopping malls du Royaume. Des lieux de vie climatisés où l'on aime déambuler. Animation frénétique qui se traduit inévitablement par la fréquentation des lieux de restauration. 

   Ingrédient de base de la plupart de ces temples dédiés à la consommation de masse, un food center, parfois appelé food court en anglais, ce qui fait sans doute plus chic. Genre tribunal des saveurs avec comparution immédiate de sapidités insolites. Dans le box des accusés pour incitation à la gourmandise:  La gastronomie thaïe du quotidien.

   La disposition des lieux est standardisée. Des cubes alignés en rangs d'oignons. En fait, des echoppes miniatures transformées en espaces étonnamment fonctionnels. Fourneaux,  batteries de marmites et d'autocuiseurs pour le riz, récipients qui pendent du moindre carré de paroi, de la vapeur à tout va qui floute une mosaïque de nourriture et des monticules de victuailles présentées avec un soin méticuleux dans des bacs remplis  à ras-bord. Derrière chaque comptoir doté de vitrines, des cuistots en uniformes impeccables, tête couronnée d'une toque par grand souci d'hygiène, effectuent des ballets en une gestuelle savamment ritualisée. Attraction jubilatoire que de saisir une pelote de nouilles en plein looping. S'envolent au point de flirter avec le plafond avant d'atterrir en douceur dans le creux d'une louche géante. Les spatules s'étirent, se rétractent. Des poêles en forme de wok inhérents aux gastronomies asiatiques, des flammes s'élèvent en gerbes. Un chalumeau entre les casseroles. Tout rougoie. Crépite. Spectacle total. Forcément alléchant. 

   Qui incendie les papilles et simultanément met l'eau à la bouche. 

   En terre de Siam, on n'est jamais à un paradoxe près. Préparation bon enfant mais très professionnelle. Sous les yeux médusés des clients, une science de la cuisson. Multiplicité des ustensiles. Une maïeutique des piments, condiments et assaisonnements est à l'oeuvre. On salive par anticipation. L'étranger, quant à lui, ne peut trouver aucun secours dans les écriteaux qui s'affichent en thaï. Même les prix précipitent tout bon touriste novice dans un abîme de perplexité. Dollar, euro, yen, yuan, rouble/ baht...Certains doivent dégainer la calculette pour une conversion tarifaire minute. 

   Heureusement, les  impressions visuelles priment et sont souvent les bonnes. Se laisser guider par son instinct. Développer son sens du repérage. Le bonheur gustatif est au bout d'un jeu de pistes qui vaut assurément le détour... Ahhhhh... l'Orient odoriférant et bigarré si prompt à aiguiser les appétits. Prochaine étape, une fois composé son plateau-repas, se munir de couverts qu'il convient plonger en prélude aux agapes dans un broc d'eau bouillante ou à introduire dans une boîte chauffante. Objectif stérilisation.  Enfin, le moment de s'asseoir. Face à des écrans télé suspendus pour ne perdre aucune miette du dernier " la korn " ( feuilleton ou telenovela à la sauce thaïe ) ou à proximité du kids corner, le coin amusement pour les enfants. Sans omettre de déverrouiller l'écran de son phone, de tapoter le clavier, on procède à une flopée de selfies, on se lance dans une mitraille de photos qui prennent instantanément la direction des reels de Facebook, Instagram ou  Tik Tok. Peut alors s'impulser cet admirable mouvement des mandibules. On mâchouille. On mastique. On avale. Dans les alignements de tables en formica, inondées d'une lumière tombée de néons plus ou moins blafards, on se restaure copieusement pour une somme genéralement modique.  Avantage incommensurable des food centers.

   Autre point d'intérêt: dans ces centres commerciaux, les supermarchés comptent aussi très souvent un espace cuisine. Plus exactement un rayon miam-miam à emporter. Les Thaïs sont friands de ces endroits propices aux embouteillages de caddies. Ils se pressent devant les rangées de plats préparés. Rituel bien rôdé. La clientèle s'approche de l'étal, dévore du regard, voire s'enhardit à soupeser les mets enrubannés dans un emballage plastifié. Pour éviter tout embarras du choix qui serait paralysant, les rétines affamées comparent à la vitesse de l'éclair. Tiens...voici la nourriture recherchée. Sur elle, d'un bond de tigre insatiable, on jette son dévolu. On s'en saisit. Le plat choisi passe aussitôt sur la balance, il est prestement étiquetté et le client s'éclipse en ravalant un demi-sourire car il a l'impression, souvent bien réelle, d'avoir fait une bonne affaire. Surtout juste avant les heures de fermeture. Les prix peuvent chuter de 50%. 

Ces échantillons de menu serviront de prétexte à des moments de dégustation, seul, en couple, entre amis ou en famille. En arrière-plan, des escouades de vendeuses en bottes caoutchoutées, ceinturées d'un tablier à petits carreaux blancs et noirs assurent le renouvellement et la propreté des rayons. Profusion et variété des recettes. Le procédé tout entier est celui d'une machine bien huilée. 

   Les jours de promotion, les cuisines débordent dans les allées du supermarché. De la street food d'intérieur. Enfilades de bassines et de faitouts de tous calibres et toutes profondeurs. Dans ces circonférences,  on découvre un assortiment quasi illimité de spécialités culinaires souvent représentatives des différentes provinces du Royaume. Symphonie des couvercles que l'on soulève et revisse sur leur récipient d'origine. Dans l'univers à priori dépersonnalisé des magasins géants, on peut donc savourer des moments de félicité. Les mines ravies en attestent. Dans l'ordinaire du shopping et des courses, on se frotte les mains avant de se lécher les babines.

 

Patrick Chesneau

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