Grande messe entre descendants de ceux qui ont mis nos ancêtres en esclavage ?

   Ce qui s'est déroulé à l'Habitation Clément à savoir le vernissage de l'exposition des oeuvres d'une quarantaine d'artistes béninois témoigne de notre insignifiance à nous, Antillais. 

   Pourquoi ?

   Parce que le Béké Bernard Hayot, qui accueillait l'exposition sur ses terres de l'Habitation Clément était dans rôle de Béké...malin ou intelligent (comme l'on voudra). Déjà en 2001, il avait réussi à convaincre Aimé Césaire, pourtant "Père de la Négritude", de venir planter "le Courbaril de la Réconciliation" sur cette même Habitation. Puis une dizaine d'années plus tard, il avait à nouveau réussi l'exploit de convaincre Serge Letchimy de venir participer à une cérémonie d'arrosage du fameux courbaril qui avait grandi entre temps. Aujourd'hui, il reçoit en grande pompes Patrice Talon, Président de la République du Bénin,venu inaugurer l'exposition d'artistes béninois en question.

   Parce que le Président Talon a, lui aussi, joué intelligemment en soulignant à plusieurs reprises dans son discours prononcé à la CTM le rôle joué par l'Afrique dans la traite esclavagiste, allant même jusqu'à employer le mot "bassesse". Ce faisant, il a coupé l'herbe sous les pieds de nos panafricanistes et autres noiristes martiniquais qui ont dénoncé la tenue de l'exposition et pour lesquels "nos ancêtres" comme ils aiment à dire étaient vierges de toute responsabilité, se montrant (interdit de rire !) plus Africains que les Africains. C'est qu'il y a une quarantaine d'années de cela, Mathieu Kérékou, président du même Bénin, n'avait pas hésité à s'agenouiller devant une assemblée de deux-cent Noirs américains, cela dans la ville de Baltimore, aux Etats-Unis. Kerekou leur avait demandé "pardon" pour la participation des Africains à la Traite négrière. 

   Donc, bon, comment, nous autres Antillais, devons-nous réagir face à la photo qui illustre cet article ? 

   D'abord, en reconnaissant notre insignifiance ! Par simple honnêteté intellectuelle. Nous sommes les grands spécialistes de gesticulations qui ne trouvent aucune traduction dans les urnes, seul et unique moyen de changer le destin d"un pays. En effet, on ne peut pas, en 2009, bloquer la Martinique entière pendant 1 mois aux cris de "Péyi-a sé ta nou !" (Le pays nous appartient !) et puis, en 2010, voter à 80% contre un tout petit début de commencement d'autonomie. On ne peut pas non plus voir du racisme à notre encontre partout, dénoncer les "Métros" à tout bout de champ et puis aux dernières élections présidentielles, donner 73.000 voix au parti raciste de Marine Le Pen. On ne peut pas honnir la "Métropole" et vouloir en même temps que Miss Martinique devienne Miss...Métropole. On ne peut pas...

   Bref, la liste de nos inconséquences et insignifiances serait trop longue à établir. 

   Alors, s'agissant de la rencontre Hayot/Talon, on pourra toujours dire que c'est un Béké blanc et un Béké noir qui se payent de notre tête ou, en langage moins policé, se foutent de notre gueule. On pourra toujours ressasser qu'Hayot est un descendant d'esclavagiste et un exploiteur du peuple. On pourra toujours accuser Talon d'être un valet de la Françafrique et lui aussi un capitaliste, en plus d'être un dictateur qui emprisonne ses opposants (Ah oui ? Les opposants aux régimes russe, cubain ou chinois auraient donc toute liberté pour s'exprimer ?). 

   On pourra toujours continuer à brailler ad vitam aeternam.

   Cela ne changera rien du tout à notre situation, cette impasse dans laquelle nous nous trouvons depuis 1946.

   Nous avons le choix : soit finir comme Hawaï c'est-à-dire finir par disparaitre, par être totalement dilué dans l'univers franco-européen soit devenir comme Barbade, l'île Maurice ou les Seychelles. 

   Il n'y a pas de troisième option (sauf dans le crâne de ces doctrinaires crypto-staliniens dont le cerveau s'est arrêté dans les années 1970-80 du siècle dernier et qui, fort heureusement pour les futures générations martiniquaises, sont pour la plupart des septuagénaires, voire des octogénaires). 

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