Dédensifier la conurbation, redensifier le Nord...

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       ...tout particulièrement le Nord-Atlantique. 

       La campagne électorale pour les municipales, qui a déjà commencé un peu partout à travers la Martinique, brouille malheureusement la perception des vrais problèmes et des manières de les prendre de front sachant que "prendre de front" ne signifie pas "résoudre par un coup de baguette magique". En effet, tous les candidats sont engagés dans la défense de "MA" commune dans l'objectif de "développer MA commune" alors que le problème est global. Il est celui de la Martinique, territoire minuscule pour lequel seul une vision ou un plan global pourrait permettre d'affronter les problèmes qui l'assaillent. 

    Se pose alors la question du PNL (Pouvoir Normatif Local) avalisé par le récent Congrès et qui, malheureusement encore au cours de cette pré-campagne électorale, se voit occulté  par des préoccupations secondaires tels les fameux rats qui feraient la sarabande dans les rues de Fort-de-France. Quel capitale au monde, à commencer par Paris ou New-York, n'en comporte pas ? Quant à ces autres candidats qui se posent en grands défenseurs du "peup'" ou des "maléré" en promettant monts et merveilles, ils ne sont que des populistes imposteurs car une municipalité n'est une annexe ni de Pôle-Emploi ni des Restaus du Coeur. Et même si, par quelque opération d Saint-Esprit, le prix de la boite de petits pois en venait un jour à être vendue au même prix à Fort-de-France et à Fontainebleau, cela ne changerait rien fondamentalement à l'impasse dans laquelle nous nous trouvons. 

    En fait, l'urgence est de commencer à réfléchir à un réaménagement du territoire martiniquais.

    Les populations qui ont été parquées dans les cités-HLM de Four-à-Chaux (Lamentin) à Ozanam-Bâtelière (Schoelcher) en passant par celles de Fort-de-France (Dillon, Ravine Plate, Montgérald, Langelier-Bellevue, Godissard etc...), ces dizaines de milliers de déracinés des communes et des campagnes, ont été et continuent d'être les victimes de l'absence totale de vision globale de la Martinique depuis plus d'un demi-siècle. Nos collectivités locales, tant l'ex-Conseil Général et ex-Conseil-Régional que l'actuelle CTM, ont abandonné le Nord (dès lors voué à la désertification) et le Sud (voué au saccage des terres agricoles et forestières au profit de lotissements ou de villas) pour se concentrer sur la Conurbation Schoelcher/Fort-de-France/Lamentin censée être le poumon économique de l'île. 

    Pourtant, ce n'est pas dans ladite Conurbation qui fabrique nos produits d'exportation (banane, rhum, cacao etc.) ni qui nous amène de ressources touristiques (les économistes classant ces dernières à juste titre parmi "les exportations"). Mais bien le Nord et le Sud !

    Il ne s'agit aucunement de diaboliser la Conurbation mais de reconnaitre une chose simple, très simple même : ses entreprises ne fournissent pas suffisamment d'emploi aux dizaines de milliers d'habitants des cités-HLM (sans même parler du fait que le plus souvent lesdites entreprises ne sont que des entrepôts de revente de produits—machines à laver—meubles--textiles--voitures etc..—venus de l'étranger). D'où un chômage massif qui frappe tout particulièrement les jeunes ! Et il y a peu de chances qu'elles leur en fournissent un jour ! Ces jeunes sont alors une proie facile pour les trafiquants de drogues et d'armes à feu sans que quiconque, à commencer par leurs parents, y puissent quoi que ce soit. Et quand on dit "leurs parents", en fait, il s'agit de "leurs mères" et là aussi, il faut nous dessiller les yeux : la fameuse "femme poto-mitan" tant vantée parce qu'elle s'occupe seule de son foyer et de sa progéniture n'existe en réalité qu'en ville, dans la conurbation. Ailleurs, en commune ou en campagne, la mère de famille est secondée par des grands-mères, des cousines ou des tantes, des voisins même parfois, même si son concubin ou son mari est défaillant. A l'inverse, dans la caloge à lapin d'un HLM, avec des voisins qu'elle ne connait pas, loin de sa famille soit restée en commune soit en campagne soit exilée dans l'Hexagone, avec un salaire médiocre ou des minima sociaux insufisants, la femme poto-mitan se retrouve réellement seule. Ses enfants trainent le soir venu dans "la cité", les garçons squattant les kiosques au lieu de rester à la maison pour faire leurs devoirs.

     C'est ce qui explique que beaucoup d'observateurs se soient étonnés de voir autant de femmes âgées de 40 à 60 ans dans les manifestations du Mouvement des Aligneurs de Prix sur la Métropole pour y exprimer leur colère. Une colère absolument fondée même si la revendication de l'alignement des prix sur "la Métropole" était farfelue.

 

 

                                                                                       UN PIEGE

 

    Tout cela n'a rien d'étonnant. La Conurbation (Schoelcher/Fort-de-France/Lamentin) est un piège, un labyrinte, une impasse. Une zone de non-droit à la nuit tombée où l'on peut entendre des pétarades de motos volées et parfois des coups de feu. Où des meurtres se produisent à répétition depuis quelques années. Où les frictions entre Martiniquais et immigrés des iles voisines éclatent régulièrement. Alors, quand le couvercle de la cocotte-minute explose, on brûle des voitures, des magasins, des supérettes, des pharmacies parfois ! On tire à balles réelles sur une police pourtant composée de "Negs". Il ne s'agit pas de tenter d'excuser ces violences mais d'en comprendre l'origine et cette origine est claire : l'entassement de populations dans HLM-ghettos d'où leurs enfants ont peu de chances de sortir. Il ne s'agit donc pas simplement d'une question de prix de la boite de petits pois ou du kilo de pommes de terre. Car ne nous laissons pas tromper par les chiffres : si seulement 27% des Martiniquais vivent sous le seuil de pauvreté selon les chiffres de l'INSEE, au moins 30% de plus vivent difficultueusement. Certes, personne ne meurt de faim mais chaque jour est un combat pour survivre. 

     Nous avons eu des Urbanistes de talent. Ils ont réussi à transformer et dynamiser ce qu'ils nommaient "les mangroves urbaines" comme Texaco (Fort-de-France) et Vieux-Pont (Lamentin). C'est bien, très bien même, mais ce qu'il nous faut désormais ce sont des Aménageurs du territoire (rural) car "urbaniste" vient du latin "urbs" qui signifie "ville". 

     Ces Aménageurs du territoire devront se défier de toute modification des actuels PLU (Plan Local d'Urbanisme) qui ne sert qu'à favoriser des projets commerciaux ou de lotissements et repenser la répartition de la population martiniquaise afin de proposer à nos décideurs politiques des solutions qui permettraient de dédensifier la Conurbation et redensifier le reste du pays, en particulier le Nord. Il ne s'agit nullement de transferts de population par la force, ce qui est d'ailleurs impossible dans le cadre français qui est celui de la Martinique, mais d'envisager de vraies zones de production en lien avec l'agriculture et la pêche, les énergies renouvelables, la pharmacopée créole etc...Cela demande de repenser certaines priorités ou ce que l'on considère souvent à tort comme telles.

    Cela demande surtout de sortir du petit esprit tribal ("Ma commune") et de ses chimères ("Développer Ma comune").

    Le mal de la Martiniquais est un mal martiniquais, pas un mal communal. 

 

                                                                         AUTONOMIES

 

    Nos politiques n'ont que le mot "Autonomie" à la bouche, mot qu'ils aiment à utiliser au pluriel : autonomie alimentaire, autonomie énergétique etc...sans jamais évoquer l'autonomie médicamentaire, pharmaceutique ou médicale. Peut importe le nom qu'on lui donne ! Elle renvoie à quoi ? A ceci qui est absolument terrifiant : si jamais une 3è guerre mondiale éclate ou plus banalement un deuxième Mai 68 en France, bref que plus rien n'arrive en Martinique, plus aucune marchandise comme "An Tan Wobè" (époque de l'Amiral Robert : 1940-43), nous devrons certes nous serrer la ceinture au niveau alimentaire et nous éclairer à la bougie mais comme nos grands-parents, nous parviendrons très certainement à résister. Par contre, au niveau médicament, nos malades du cancer, du rein, du coeur, de l'hypertension etc...vont tout simplement crever ! C'est brutal comme constatation mais c'est la vérité. Déjà en temps normal, la Martinique se voit régulièremennt affectée par des ruptures de stock de tel ou tel médicament essentiel, voire vital, allez voir en période exceptionnelle comme une guerre !

    Ceci est à relier au fait que les rares personnes qui ont tenté de s'investir dans la pharmacopée créole et l'agriculture saine n'ont jamais été vraiment soutenues par les pouvoirs locaux. Trois exemples :  

 

    . les "pousse-bébé" de Mme Pauline Nogard au Morne-des-Esses (Sainte-Marie) : institutrice qui, une fois retraitée en 1976, reprit les rènes de l'entreprise créée par son père en 1921. Pendant 63 ans, elle fabriquera des farines de fruit-à-pain, de patate douce, de banane, de christophine etc...et surtout des aliments pour bébé qui permettaient de ne plus utiliser les produits importés comme le fameux lait en poudre Guigoz. Son père avait construit un petit barrage hydro-électrique sur une rivière qui passait sur son terrain lequel alimentait les Etablissements Nogard en électricité. On venait de la Guadeloupe et même de France pour acheter ses produits. A sa mort, faute de soutien, l'entreprise fermera et ses employés perdront leur emploi.

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    . les "remèdes créoles et produits cosmétiques" de Mme Fidéline dont l'entreprise est créée en 1989. Elle utilise le roucou, le quinquina et autres plantes autochtones pour fabriquer à la fois des produits de beauté et des "remonntants" tels son fameux "sirop pied de boeuf". Fort heureusement, ses descendants ont repris l'affaire et créé l'entreprise "FIDELINE 2000" qui allie techniques traditionnelles créoles et techniques modernes, mais là aussi, on peut s'interroger sur le soutien des pouvoirs publics.

 

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    . la réactivation du "lasotè" à Fonds Saint-Denis par une association du même nom qui oeuvrera pendant dix-sept ans à la formation de jeunes agriculteurs désireux de s'appuyer sur les méthodes de culture ancestrales. Elle a été liquidée par les tribunaux en 2025 et ses employés licenciés à cause de graves problèmes de trésorerie dus, en grande partie, au non-versement de subventions par nos collectivités. Honte à ces dernières ! 

 

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      En soutenant des initiatives comme celles-ci, là, on pourrait parler de "développement" car non seulement on utilise des produits locaux et des techniques éprouvées car ancestrales mais sutout on créé du travail. Au lieu de "ba lari chenn" dans les cités-HLM de la Conurbation sans aucun espoir de s'en sortir un jour et de réclamer vainement "les mêmes prix qu'en Métropole dans les supermarchés", on se rétablit dans sa dignité tout en revitalisant le pays. Mais pour cela, il aurait fallu envisager un plan de réaménagement de la population martiniquaise. Evidemment sur plusieurs années ! Ne réfléchir qu'à "MA commune" en est l'exact inverse.

 

                                                                           CONCLUSION

 

      Les discours électoraux et les belles promesses de nos politiciens de tous bords se heurtent par conséquent à la réalité.

      OUI, DE TOUS BORDS !

      Triste constat...

    NB. En bons "Français tropicaux", nos politiques ont été de tout temps intoxiqués par le leitmotiv "La France et ses 36.000 communes". Que dans un grand pays, on puisse se permettre d'avoir des administrations communales pour 200 ou 300 habitants, ce n'est pas si grave ! Certes, à partir de 2015, l'Etat a poussé ces communes liliputiennes à fusionner, mais en dépit de cela, voici ce qu'on lit dans un rapport officiel : "Même en se rassemblant, les communes de Mièges, Esserval, Combe et Molpré, dans le Jura, ne dépassent pas la barre des 250 habitants! À elles quatre, elles réunissent 239 personnes, ce qui en fait la nouvelle commune la plus petite. Mais cette taille lilliputienne est en réalité énorme si on la compare à ce que ces villages étaient avant. Ainsi, le maire de Combe administrait le vie de 17 habitants et celui de Molpré celle de 22 habitants! À l'inverse, la nouvelle commune la plus importante se situe dans la Manche.C'est folklo mais ce n'est pas grave pour un pays qui est la 7è puissance économique mondiale. Par contre, dans cette ile grande comme une tête d'épingle qu'est la Martinique, réfléchir "communalement" et non "territorialement"est absurde. 

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