« La fuite des jeunes qualifiés entrave le développement économique » des Outre-Mer

Rodolphe Alexandre, ex-président et actuel conseiller de la Collectivité territoriale de Guyane, boucle une mission ministérielle sur l’insertion professionnelle des jeunes dans les départements et régions Outre-mer. Si les moyens sont là, la finalité et la cohérence des dispositifs d’aide interrogent. Pourtant, il y a urgence : le chômage est très haut dans les territoires alors que de nombreux secteurs manquent de compétences.

Rodolphe Alexandre, ex-président et actuel conseiller de la Collectivité territoriale de Guyane, boucle une mission ministérielle sur l’insertion professionnelle des jeunes dans les départements et régions Outre-mer. L’objectif est de lister les dispositifs existants et de mieux coordonner les acteurs de terrain. Parce qu’il y a urgence : le chômage est très haut dans les territoires alors que de nombreux secteurs manquent de compétences.

Pourquoi cette mission sur la jeunesse des Outre-mer a-t-elle été créée ?

Elle résulte d’une observation faite par de nombreux acteurs issus des territoires. Dans le secteur de l’insertion professionnelle des jeunes ultramarins, il existe un réel imbroglio. Il devenait urgent d’analyser, de recenser tous les dispositifs proposés et de réfléchir à une meilleure coordination de toute cette chaîne d’accompagnement.

Pourquoi le guichet des aides est-il trop complexe ?

Parce que les opérateurs sont très nombreux. Il y a d’abord l’État à travers l’Éducation nationale, le ministère de la Jeunesse, celui du Travail, Pôle emploi, les missions locales, le Service militaire adapté (SMA) incontournable dans nos régions tout comme l’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité… Tous ces services offrent des soutiens pour l’insertion professionnelle mais le tout manque de fluidité.

Et il en existe encore d’autres…

Oui, il faut ajouter les dispositifs du Crédit engagement jeunes (Cej), l’école de la deuxième chance et ceux proposés par les collectivités locales, les chambres consulaires… Parfois, certains doublonnent voire se concurrencent. Bref, on voit bien que pour les jeunes, il y a de quoi s’y perdre. Beaucoup nous ont dit que pour se repérer dans tout ça, c’était un parcours du combattant.

Donc c’est davantage un problème de lisibilité que de moyens ?

Les moyens et les financements existent vraiment. Ce qui interroge davantage c’est la finalité et la cohérence de tous ces dispositifs par rapport aux jeunesses de nos territoires. Parce que la réalité économique, démographique, sociale est très différente d’une région à l’autre. On n’attend pas les mêmes types d’emplois et de formations quand on est dans un département jeune comme Mayotte ou la Guyane avec une démographie qui ne cesse de croître que dans un département comme la Guadeloupe ou la Martinique où la population baisse et vieillit.

Est-ce l’idée de mieux flécher les besoins en compétences locales ?

Si on veut garder nos jeunes, leur offrir des carrières, il faut les aider à se former sur des métiers de proximité, d’avenir et qui sont justement en tension car on ne trouve pas assez de profils bien formés. L’hôtellerie-restauration, le transport, la pêche, le BTP, la mécanique peinent à recruter. Et il y a une nécessité d’agir quand on constate des taux de chômage au-delà des 12 % dans les territoires, jusqu’à 15 % en Guyane, 19 % en Guadeloupe, 18 % à la Réunion ou encore à plus de 30 % à Mayotte. 

Tous les jeunes, avec ou sans diplômes, sont-ils concernés par vos travaux ?

Bien sûr, il s’agit de questionner l’accompagnement de tous les profils. On se soucie, par exemple, de ceux appelés les invisibles. Ils sont nombreux dans les Outre-mer, des jeunes qui ont décroché socialement, scolairement et de leur vie citoyenne. Avec des problèmes d’illettrisme, de mal-être dans les familles… C’est dire si des acteurs comme les médiateurs sociaux ont une place capitale dans ce maillage de l’insertion professionnelle. Il faut aider les décrocheurs à se raccrocher au véhicule sociétal.

En Guyane, où vous êtes élu, ce décrochage est un sujet alarmant…

En effet, avec une présence de jeunes qui ne parlent pas bien la langue, qui sont parfois confrontés à des problèmes de papiers, n’ont pas fait de grandes études, avec des parents aux très faibles revenus... C’est très compliqué pour eux d’intégrer la société, d’aller à l’université, ne serait-ce que de se rendre à Cayenne. Cela existe à Mayotte, aux Antilles, à la Réunion. Et ces populations en grande difficulté d’insertion sont souvent utilisées dans le travail informel comme main-d’œuvre, dans le secteur agricole notamment. Il serait important de les accompagner pour leur garantir une vraie place dans le milieu professionnel car dans des territoires aux populations vieillissantes, il va bien falloir trouver des forces vives.

Le retour au pays des compétences formées ailleurs est-il au cœur de la réflexion ?

Tellement de nos jeunes talents ne reviennent pas faute de postes, de rémunération convenable, de logement ! Cette fuite des jeunes qualifiés entrave le développement économique. Mais vous savez, revenir, ce n’est pas un simple déplacement physique. Je dis souvent qu’on ne rentre pas seulement pour embrasser grand-mère ! Il y a un ensemble d’éléments qui entrent en compte au-delà de trouver un emploi.

En quoi revenir chez soi n’est pas simple ?

Il s’agit aussi d’une question identitaire. Parce que revenir au pays, ça peut être source de tensions avec ses proches, son ancien environnement culturel et social. Il peut exister une sorte de défiance envers celui qui s’est formé dans l’hexagone ou à l’étranger. Il y a d’un côté celui qui a la chance d’être parti et, de l’autre, la malchance de celui qui a dû rester. On a rencontré des acteurs formidables qui se démènent pour mieux accompagner le retour au pays. C’est le cas de l’association comme Alé Viré, en Martinique, qui œuvre pour l’attractivité économique dans un contexte de dépeuplement du territoire.

Pour ces profils à haut potentiel, où se trouvent les débouchés ?

Par exemple, les secteurs de la biodiversité et de l’environnement offrent un champ incroyable de métiers porteurs sur des territoires uniques de par leur géographie, leurs richesses naturelles. Regardez en Guyane, la forêt offre un marché de l’emploi en plein développement. Et dans le domaine aurifère aussi car, à côté du désastre de l’orpaillage illégal, il y a de place pour une filière artisanale vertueuse. Ici ou ailleurs, ces profils très bien formés doivent être accompagnés pour rentrer. C’est le sens du très bon dispositif de Cadres d’Avenir qui existe à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, aux Antilles depuis peu et en Guyane en 2025. Le principe est vous partez, on paye vos études et vous revenez pour devenir les cadres de nos collectivités et dans nos entreprises.

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